Samedi 13 janvier.Journée spéciale. Les bonnes résolutions cyclo de fin 2017 vont trouver aujourd’hui leurs toutes premières concrétisations.Nous sommes neuf membres du CRA à nous être inscrits à un stage mécanique de terrain proposé par le CODEP et généreusement pris en charge par ce même Comité Départemental du Tarn de Cyclotourisme et par notre cher CRA.
Nous avons rendez vous à 9H dans l’aile briquée toute récente du Comité Départemental Olympique et Sportif, en sortie d’Albi, route de Cordes. Ponctuel, j’y retrouve le couple présidentiel Marie et Bernard , Maryse, Mireille, Jean de Cambon, Jacques C ,Jean Louis C et Jean Marie P.
On se sent tous motivés pour mieux maîtriser quelques uns de ces désagréments rencontrés en sorties solitaires ou de groupe . Notamment, bien sûr, la fameuse crevaison de la roue arrière .Finis les « moi ,si je crève et que c’est dur, j’appelle le mari au téléphone…moi, j ‘ai souvent plein de copains moins niais que moi et je les laisse faire mais c’est pas comme ça que je progresserai …moi, en solitaire,j’y arrive mais j ‘y passe un quart d’heure ou plus, là où les érudits réparent en trois minutes ! Je veux gagner en technique pour réparer plus vite ,rentrer avant la nuit!».
On fait connaissance du duo de formateurs.Eric et Jean François. Beau duo.Deux générations bien différentes et une même passion vite démonstrative , quoique différente, pour faire partager à travers des formations techniques une même conception des liens entre la vie et le vélo.
Ils témoignent tous deux d’un même Vélo-Art de Vivre .Une passion que l’on sent dominante ( dévorante?) chez l’un et l ‘autre.
De cela, on parlera plus tard. Lors du déjeuner.Pour l’instant, place à la formation du jour dite mécanique de terrain.Et là,rapidement, après le café, changement d’ambiance. Court flottement. On apprend que cette formation, la seconde d’un cycle tri annuel des deux acolytes, concerne les roulements. !.Les quoi ? Les roulements !…
Brr, chacun a du entendre vaguement parler de ces bébètes mais de là à passer une journée à leur chevet. Même notre Président-ingénieur,efficace relayeur et recruteur de cette formation, semble surpris ! Quant à Maryse, Marie, Jean et moi…
La formation,démarre comme si de rien n’était, par un apport théorique sur les normes de filetage dans l’industrie du cycle avant de vouloir tout nous dévoiler sur les roulements.Tous les roulements, ceux du pédalier, de la direction, des moyeux des roues ,des pédales et des galets du dérailleur arrière.Ouf !
Autant de pièces à conviction toutes rangées et dévoilées l’une après l’une par nos formateurs dans d’adorables boites boisées agrémentées de légendes à l’écriture manuscrite et à l’encre sentant si bon et si vrai les valeurs pédagogiques en cours au siècle précédent.
Va t’on pour autant rouler des mécaniques ? Fussent_elles de terrain ?Waouh, le choc est rude pour plusieurs d’entre nous qui échangeons sourires, soupirs et interrogations sourcilleuses . On est loin de nos souhaits initiaux de maîtriser simplement crevaisons et bris de chaînes.
On prend le parti d ‘écouter, d’essayer de comprendre, de mettre les mains là où il faut pour les exercices pratiques du côté de l ‘entretoise ou de la roue-libre, quitte à n’en retenir qu’une faible partie.
Au moins, même si on continue de porter le vélo chez notre vélociste préféré, deviendrons -nous un peu plus capable d’expliquer la raison de notre visite. « …Je crois que ce bruit vient des manivelles des pédales…sûr que j ‘ai un souci du côté des galets du dérailleur ! … Regarde donc du côté de la direction, y ‘a un truc dans les roulements !».
On s’accroche comme on peut. Mireille nous semble maîtriser le sujet et fait aussi souvent référence au savoir faire de son cyclo de mari.
Eric parle d’une voix tellement convaincue qu ‘on ne saurait imaginer une seconde la moindre faille dans ses propos.Lui non plus. Jean François conserve de beaux acquits pédagogiques de sa vie de prof de SVT à Fontlabour et nous entraîne avec douceur sur ses certitudes.Avec lui, on mesure aussi les évolutions dans les matériaux de fabrication des cadres, des moyeux,des jeux de direction, des pédales etc. Plus légers, plus fragiles, plus chers entre autres…
Le temps passe.Vient la pause déjeuner.
J ‘ai adoré ce moment de confiance partagée durant lequel on apprend tant sur les autres. Eric est un mineur carmausin stoppé dans son métier adoré de tourneur ajusteur à… 43 ans lors de la fermeture du bassin . « Bon d’accord, depuis , et ça fait un bail, je continue jusqu’à la retraite à toucher mon salaire, mais ne crois pas que ç’a a été toujours facile d’ intérioriser qu’il valait mieux que je ne travaille plus ici ou ailleurs ! » J’écoute tout en ne pouvant m ’empêcher de comparer son époque et nos années actuelles.Je comprends mieux aussi son engagement associatif permanent et son goût de transmission de ses connaissances.
Belle discussion aussi avec Jean Louis C relatant son ressenti lorsque,en 2012, des hauteurs de la Drêche, il a assisté à la destruction par dynamite , en 18 secondes, de la centrale thermique de Pélissier, son usine durant de longues années. « Les gens, autour de moi, ont à ce moment précis respecté mon souhait de silence.Ils ont compris et partagé mon émotion ! ».
Enfin, beau silence aussi lorsque Jean François nous parle du Brevet cyclo des Provinces Françaises . « Je l ‘ai commencé il y a quelques décennies puisque le jeu consiste à faire tamponner une carte dans chacun des six sites retenus dans chaque département parcouru en vélo.Soit 540 au total… très variés question relief…aussi bien le Tourmalet que le château de Chambord.A ce jour, il m’en manque 20 et ce sont plutôt la Picardie et la Bretagne qu’il me faut parachever ! J ‘aurai alors bouclé mon parcours de sacochard,comme on aimait s’appeler dès les années 60 !»
Quelle richesse humaine que ce CRA dont je commence à connaître tant et tant de personnalités réunies, à l’insu de leur plein gré, par le vélo !
L’après midi, Eric et Jean François satisfont tous nos désirs . Et nous voilà entrain de repérer la fuite dans une chambre à air, d’en crayonner le pourtour, de poncer, de vulcaniser, de regonfler. A la vérité, on maîtrise tous cet exercice à peu près correctement.Mieux que le démontage et le remontage d’une roue arrière.Je m ‘y attelle dans les premiers , ce qui laisse aux copains de quoi largement faire mieux et plus rapidement. On y prend tous plaisir.
Reprise théorique sur les dérailleurs. Place ensuite aux explications sur les chaînes .On termine les travaux pratiques en se familiarisant avec la manipulation d’un dérive chaîne et de quelques attaches rapides.
Goûter albigeois final offert par la First Lady devenue reine de la galette lors du dessert de midi. Debriefing, verre en main.Nettoyage de la salle avenante du CDOS et rangement de toutes les boites et matériels dans la remorque appropriée.
Ah cette remorque en lattes de bois.Aménagée de A à Z en compartiments de rangements par Eric. « Tu comprends, je savais ce que je voulais…les roues par ci, les cadres par là…chaque pièce a sa place particulière même les vis, les écrous,les boites de pédales,les clés , les potences, les dérailleurs, les … »
En entrant dans cet antre , je me suis imaginé pénétrer dans l ‘atelier d’un maître artisan ou d’un compagnon du devoir. C ‘en est un, mobile..
On a pris un peu de temps pour se quitter .Preuve qu ‘on était bien ensemble et que, finalement, rouler des mécaniques avec Eric et Jean François nous a bien plu.
Michel DOUMERC
(14 janvier 2018)